Les photographes qui abordent ce qui est reconnu comme l’« espace cézannien », le site de la Sainte-Victoire, sont nombreux. On pense notamment aux images de Brigitte Bauer, de Bernard Plossu ou de Jean-Christophe Ballot. Thibaut Cuisset en fait partie. C’est à l’occasion d’une commande pour le Hors-Série que consacre Télérama à Cézanne, invitant écrivains et artistes contemporains à s’exprimer, qu’il s’intéressé à la Sainte-Victoire. La peinture et l’approche de Cézanne du Grand Site l’accompagneront tout au long de cette commande.
« Dans les Sainte-Victoire [peintures de Cézanne] les traces d’activité humaine telles que maisons et routes sont supprimées et le panorama se simplifie. La nature est à l’intérieur. La vision prend le pas sur la réalité et il synthétise, stylise, ne farde d’un paysage que quelques lignes de sa structure. » JULIET Charles, La montagne magique In Cézanne, vu par des écrivains et des artistes contemporains, Télérama Hors- Série Septembre 1995, p27
On retrouve une démarche cézannienne chez Thibaut Cuisset : dans l’émotion que lui suscite le paysage et qu’il souhaite retranscrire mais aussi dans une volonté de synthétiser, à la différence que la photographie – en tout cas dans la pratique qu’en a Cuisset, que l’on pourrait rapprocher de la straight photographie – est dépendante du réel. L’acte de synthétisation, d’épure qui est très présente dans sa photographie s’inscrit donc différemment, à travers un travail de contemplation d’abord, puis de composition et de cadrage. Enfin, c’est bien sûr pour le traitement de la lumière que Thibaut Cuisset aime la peinture de Cézanne : sa restitution des lumières du sud, de l’éblouissement méditerranéen.
« Cézanne est aussi un peintre que j’admire énormément. Il est le peintre solaire, celui de la lumière du Sud. J’ai travaillé sur la Sainte-Victoire. [...] Cézanne élimine les personnages de ses tableaux. Ses œuvres sont d’une puissance supérieure. C’est ainsi que je comprends la phrase de Daniel Arasse lorsqu’il dit « le tableau s’est levé ». J’ai trouvé extraordinaire, chez Cézanne, cette déréalisation, ce mystère... [...] Sur la montagne, plus que dans la ville, je suis dans l’épure parce qu’il y a moins de signes. » Thibaut Cuisset


