En 2003, le Centre dramatique national de Montreuil passe une commande à Thibaut Cuisset et à Jean-Christophe Bailly sur la rue de Paris, qui va de la porte de Montreuil à la place de la Croix-de-Chavaux dans la ville de Montreuil. Leurs regards se croisent et entrent en résonance.
Photographier la rue de Paris est un projet que Thibaut Cuisset envisage depuis longtemps puisque nous retrouvons des notes à ce sujet dès 1998. Le paysage urbain, et notamment la périphérie de la ville à travers un questionnement sur les transformations et sur l’architecture, est un sujet qui intéresse le photographe depuis ses débuts mais le traitement qu’il privilégie ici s’écarte de ce qu’il a fait jusqu’à présent. À une période où il se questionne sur les suites de ses recherches photographiques sur le paysage, il choisit de perturber une méthode installée, à plusieurs niveaux. Ainsi, il photographie une rue qu’il emprunte quotidiennement alors qu’il a toujours envisagé ses campagnes en situation de voyage, provoquant le dépaysement ou, comme il l’évoque lui-même, une forme d’étonnement. D’autre part, il introduit la figure humaine alors qu’elle avait été évitée jusque-là. Il n’imagine pas photographier cette rue sans cette présence humaine qui la fait vivre ; ces photographies sont relatives à leur sujet. Enfin, il change d’échelle en s’intéressant à une rue et couvre une période de photographie plus longue en travaillant sur une année.
Pour photographier la rue de Paris, l’artiste doit s’adapter à la distance que permet la rue. L’horizon, constante dans son œuvre, disparaît dans cette série pour laisser place au flux de la rue. D’autre part, il accueille l’anecdote qu’il a jusqu’alors strictement refusé.
« Il s’agit de l’un des travaux les plus documentaires que j’ai réalisés. Fait nouveau : je me suis intéressé aussi à la question du texte dans l’image. J’ai été confronté à de nombreuses choses ; j’avais envie de traiter l’expérience, mais avec une lecture que l’on trouve aussi dans mes paysages. Simplement, les photographies de la rue de Paris sont plus bavardes. » Thibaut Cuisset
Cette série peut être considérée comme une rupture ou une parenthèse dans l’œuvre de Thibaut Cuisset, mais elle vient surtout nous rappeler que malgré son regard construit à partir de tout un système de références, il est réceptif à ce qu’il photographie. Et que, malgré la soumission à la perception de son auteur, la photographie est dépendante du réel.


