Pour une poétique urbaine de la banlieue romaine
En résidence à la Villa Médicis pour un an entre 1992 et 1993, Thibaut Cuisset photographie les banlieues romaines et les campagnes italiennes. Il explore un nouveau mode de création puisqu’il n’est plus question ici de photographier en état de voyage, mais d’habiter Rome pendant un an et de photographier la ville qu’il habite.
La volonté de photographier les banlieues romaines est éminemment liée au cinéma et tout particulièrement à Pier Paolo Pasolini. Une trentaine d’années plus tard, ce sont donc les décors des films de Pasolini et les descriptions qu’il fait de ces lieux dans ses romans que Cuisset choisit d’explorer dans la ville de Rome, s’émancipant ainsi du poids historique de la ville.
Cuisset accorde une attention particulière à la poésie de ses photographies, souhaitant transmettre l’émotion ressentie devant le paysage et ainsi créer un lien particulier avec le spectateur. Il essaye ainsi de trouver un équilibre entre une vive préoccupation pour la composition et l’importance d’une certaine épure, qui participe à l’élimination des signes afin d’avancer vers ce qu’il nomme une « poésie de la cité idéale ».
À travers cette série, Thibaut Cuisset continue de développer une esthétique du banal, en prenant position : il n’est pas question de refuser le beau, du moment qu’il ne se trouve pas où on l’attend et qu’on ne tombe pas dans le pittoresque. L’artiste cherche à se départir des tendances – formes, couleurs et sujets – conventionnelles avec des beautés nouvelles qui n’auraient pas été soupçonnées dans le paysage quotidien. Cuisset nous fait redécouvrir, à travers un traitement esthétique doux et lumineux, les lieux laissés pour compte que nous trouvons souvent sans intérêts.
La dimension picturale dans ce travail sur la banlieue romaine est fondamentale, comme en témoigne la collaboration avec Olivier Bonfait pour l’ouvrage Paysages d’Italie qui paraîtra en 1993. Pour ce travail, Thibaut Cuisset se réfère aux peintures du Quattrocento qui lui semblent être encore actuelles. Ce n’est pas le sujet mais le traitement esthétique qui le touche : « Les figures religieuses ne sont plus à l’ordre du jour mais leur esthétique me concerne ».
« Voir la banlieue comme des tableaux, c’est dans ce sens où je serai plus pictural même si j’ai une base documentaire. » Thibaut Cuisset
Il va finalement décider de photographier les périphéries de Naples et Tarente, pour aller jusqu’aux campagnes italiennes, aux espaces intermédiaires qui sont cette fois entre la campagne traditionnelle et l’espace naturel.


