Thibaut Cuisset

« C’est la première fois peut-être, à ma connaissance du moins, que Thibaut Cuisset ne photographie pas à proprement parler des « paysages ». » LACOUE-LABARTHE Philippe, Le dépaysement In LACOUE-LABARTHE Philippe, CUISSET Thibaut, Le dehors absolu, Éditions Filigranes, 2005.

C’est ainsi que Philippe Lacoue-Labarthe commence son texte sur la série du Dehors absolu, qui regroupe des photographies d’Islande et de Namibie. L’artiste a souhaite confronter le paysage géologique d’Islande dans lequel l’homme est peu intervenu et le désert du Namib, le plus ancien et le plus aride de la planète. Contrairement aux paysages anthropisés qu’il explore depuis les années 1980, Thibaut Cuisset s’inscrit cette fois-ci à la « limite du paysage ». Lacoue-Labarthe nous rappelle que ce qui reste de nature, qu’elle soit sauvage ou aride, ne prend pas part au « pays(age) » comme nous l’entendons ici – le paysage Thibaut Cuisset que Thibaut Cuisset avait l’habitude de photographier –, ce qui ne veut pas dire que cette nature-là n’est pas façonnée, même si elle ne l’est plus par l’activité humaine : « même naturel ou, comme on dit si bien, inviolé, le paysage résulte toujours d’un immense travail de fabrication, qui s’étend sur la totalité des âges et qui vient se déposer devant nous, dans un ultime mais provisoire état de forme ».

« Dans la confrontation entre la Namibie et l’Islande, je travaille sur des paysages où l’homme est très peu présent. J’ai appelé la série Le dehors absolu. Nous sommes là, finalement, à la limite du paysage. En Namibie, surtout, où le ciel se partage avec la terre dans des paysages, répétitifs, nuancés, mais assez monotones. » Thibaut Cuisset

« Limite du paysage » car en Islande, l’activité se fait encore ressentir, presque imperceptiblement mais elle existe : on l’observe à travers des filets de pêché aux îles Féroé, on devine quelques habitations à la sortie d’un fjord ou encore ce tas de pierre, témoignant du passage de randonneurs. En Namibie, seule une photographie de la route témoigne de passages. Lacoue-Labarthe souligne que lorsqu’il y a dépaysagement, le cadrage des photographies s’immobilise : la visée est toujours horizontale et le partage entre ciel et terre est identique.

Cette série a donné lieu à plusieurs expositions : à la galerie des Filles du calvaire à Paris et à Bruxelles (2005, 2007), au Portugal à Braga (2006), en Pologne (2007) et à l’occasion du festival Transfotographiques à Lille en 2005. Parallèlement aux expositions, un ouvrage est édité chez Filigranes.